Les outre-mer et le 14e arrondissement de Paris
Le saviez-vous ?
Mise à jour le 21/08/2024
Sommaire
Dans le prolongement de la Nuit blanche dédiée aux Outre-mer, le 14e met en lumière ses liens avec ces territoires à travers son histoire. (Re-)Découvrez ce qui unit Alice Mathieu-Dubois, Jane et Paulette Nardal, René Maran et Aimé Césaire à votre arrondissement.
LES OUTRE-MER
Issus des anciennes colonies françaises, les territoires d’outre-mer sont géographiquement détachés de la France hexagonale, mais constitutionnellement rattachés à elle. Répartis entre les Caraïbes, les océans Indien et Pacifique, ils comprennent la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, La Réunion, Wallis et Futuna et Saint-Pierre et Miquelon. Ces territoires présentent autant de singularités culturelles variées que de réalités économiques, sociales, juridiques et politiques diverses.
Figures noires des Outre-mer : une histoire de France et du 14e
Le 14e arrondissement
porte les empreintes de plusieurs personnalités noires qui ont marqué l’histoire de France : les sœurs Nardal, Alice
Mathieu-Dubois, Aimé Césaire, René Maran… Des figures parfois méconnues voire totalement inconnues du grand public. Voici leurs histoires et leurs liens avec l'arrondissement.
Alice Mathieu-Dubois, 1ère femme noire médecin : de la Villa Montsouris à l'hôpital Saint-Anne
Le 14e arrondissement était l'arrondissement d'Alice Mathieu-Dubois (1861-1942). Fille d’un esclavisé affranchi guyanais devenu
dentiste, elle reçoit une éducation académique qui lui permet de devenir
la première femme bachelière noire de France à une époque où seulement une
dizaine de femmes l’étaient. Tout au long de son parcours, elle doit se battre
pour être traitée comme les autres étudiant.e.s (1) :
en citoyenne. Elle finit par devenir médecin en psychiatrie et passera à
plusieurs étapes de sa vie par le 14e arrondissement.
Elle se retrouve d’abord entre les 13e et 14e arrondissements.
Elle prend, avec son mari, la tête de la
Villa Montsouris, établissement de santé privé (Paris 13e). Elle s'y spécialise dans le
traitement de maladies nerveuses comme l’hystérie et la toxicomanie. Elle y met même en
place une méthode de sevrage qui va faire la réputation de la clinique. Pourtant,
on ne la trouve nulle part dans l’annuaire du corps médical. Elle consacre
d’ailleurs une grande partie de sa vie à dénoncer les inégalités de salaire et
de reconnaissance que subissent les femmes médecins.
Après un détour par Saint-Cloud et une longue et brillante
carrière, elle revient dans le 14e arrondissement à l’hôpital
Saint-Anne, chez sa fille, puis rue d’Alésia, où elle s’éteint en 1942.
Jane et Paulette Nardal, pionnières de la cause noire : une promenade à leurs noms dans le 14e
Entre les rues Didot et Raymond Losserand, sur 520 m de long,
s’étend la Promenade Jane et Paulette-Nardal . Créée en 2019 en l’honneur de deux des plus connues
des sœurs Nardal : Paulette (1896-1985) et Jane (1902-1993).
Femmes de lettres, journalistes,
enseignantes et militantes martiniquaises, les deux sœurs sont les premières
femmes noires à intégrer la Sorbonne. Elles établissent des connexions intellectuelles et artistiques
fortes avec d’autres travailleurs et étudiants noirs issus des colonies dont
René Maran, Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire, dans leur salon littéraire
situé au 7, rue Hébert à Clamart. Elles y animent des discussions pour
réhabiliter la fierté d’être Noir.e et revendiquer une solidarité avec les
populations noires du monde entier (2).
En parallèle, elles écrivent beaucoup :
Paulette mentionne dans ses premiers textes les quartiers Montparnasse dans le
14e et Glacière, dans le 13e arrondissement voisin (3) que les sœurs ont sûrement fréquentés.
Elles contribuent aux théorisations de l’éveil à la
conscience noire. À l’origine de La Revue
du monde noir et de La Dépêche africaine, elles posent les jalons de la négritude, «
mouvement littéraire et artistique majeur du XXe, l’une des matrices
intellectuelles des luttes d’indépendance des peuples colonisés », avant d’être
invisibilisées par leurs anciens camarades (4). Considérées comme trop modérées par ces derniers et trop radicales
par les institutions, elles continuent néanmoins d’écrire, de valoriser l’identité
culturelle martiniquaise et noire par les arts, et de revendiquer l’égalité
jusqu’à leur mort (5).
Mettre leurs noms dans l’espace public contribue à réparer
l’injustice que constituait leur invisibilisation et à saluer leur combat qui
reste nécessaire aujourd’hui.
René Maran, 1er auteur noir à recevoir le Prix Goncourt, et le quartier Montparnasse
Parmi les illustres personnalités qui reposent cimetière du
Montparnasse, on trouve René Maran (1897-1960), écrivain martiniquais d’origine guyanaise au parcours
exceptionnel.
Envoyé très tôt en France métropolitaine afin de
suivre sa formation académique, il rejoint l’administration coloniale où il
subit de nombreuses discriminations. À Paris, il côtoie les sœurs
Nardal, puis fréquente le fameux salon de Clamart. Ce qui l’anime, c’est l’écriture pour
laquelle il a développé une passion très jeune.
Il écrit Batouala pour dénoncer les dysfonctionnements de l’administration
coloniale à travers la vie d’un chef de tribu, un personnage noir tenant le
rôle principal, dans une Afrique soumise aux français. Cette critique lui vaut
de nombreuses inimitiés. C'est à Montparnasse, côté 6e arr., au Café de Flore, qu'il reçoit malgré tout le Prix Goncourt en 1921, ce qui
ne met fin ni aux critiques, ni aux discriminations à son égard.
De 1953 à sa mort, René Maran occupe avec sa femme Camille un petit deux pièces au 2nd étage d'une maison au 6, square Delambre. Il y conservait dans un meuble-bibliothèque près de 10 000 ouvrages, dont sa veuve, pris le soin d’établir l'inventaire à des fins de donation.
Par son œuvre, René Maran a contribué
à poser les jalons de la lutte contre le racisme.
Aimé Césaire, poète, homme politique et militant anticolonialiste : de la Cité U à la bibliothèque qui porte son nom
À Plaisance se trouve
la Bibliothèque Aimé Césaire (1913-2008), rebaptisée ainsi deux ans après
la mort du poète, en 2010. Son nom donné à une bibliothèque rappelle que Césaire était d'abord un hommes de Lettres, auteur prolifique. Son nom donné à une bibliothèque du
14e rappelle aussi son passage dans l'arrondissement.
Arrivé dans l'Hexagone pour ses études, le Martiniquais commence à écrire son célèbre recueil de poèmes, Cahier
d'un retour au pays natal, dans sa chambre d'étudiant à la Cité
Universitaire qu'il occupa quelques années (6).
C’est encore Boulevard Jourdan, à la
Maison des Provinces de France, que se situe le siège de la rédaction de la
revue qu’il fonde avec ses amis Léopold Sédar Senghor et Léon Gontran-Damas, L’Étudiant noir. Ils y théorisent la Négritude, dont ils ont puisé les bases dans Le Salon de
Clamart auprès des Sœurs Nardal.
Profondément martiniquais et
antiraciste, il co-fonde avec son épouse Suzanne Roussi, également pionnière de
la cause noire, la revue Tropiques
en 1941 (7) pour
« entraîner les martiniquais à la réflexion ». Iconoclaste, la revue est
censurée par le régime de Vichy.
À côté de l’écriture, il s’engage
au niveau politique et devient maire de Fort-de-France en Martinique, puis député. Tout au long de sa vie, il
continue de revendiquer son attachement à la Martinique, à sa négritude, et à
critiquer le colonialisme, comme dans son fameux Discours sur le colonialisme.
Le baptême de la bibliothèque du 14e en
2010, puis la panthéonisation d'Aimé Césaire en 2011 témoignent de la juste reconnaissance de la France de son apport à notre histoire commune.
Nuit Blanche 2024 : la nuit cadencée du 14e avec Grand Balan
Depuis 1993, Grand Balan
organise des «Pitt à Pawol», des rencontres littéraires et musicales accueillant des écrivains phares des Amériques, d'Afrique et de l'Océan Indien
dans le but de promouvoir la littérature. Pour la Nuit blanche 2024 consacrée aux territoires ultra-marins, musiciens, chanteurs et comédiens de la compagnie ont proposé une déambulation artistique à travers les rues du 14e. L'occasion d'un hommage à plusieurs cultures et figures qui font la richesse et la fierté des Outre-mer.
Sur le parcours de cette déambulation, plusieurs escales ont été faites dans des lieux qui font connaître les territoires ultra-marins dans le 14e : la Librairie Calypso (v. encadré ci-dessous) et les restaurants Papa Yoyo (Restaurant réunionnais - 40, Rue de Gergovie), Ti Case Creole (115, rue Didot), Brasserie Créole (122, boulevard du Montparnasse), Tililis (3, rue de la Tombe-Issoire), Aux petits chandeliers (32, Rue Daguerre).
La librairie Calypso
Le 14e arr. est fier de compter parmi ses librairies indépendantes de quartier, la première librairie spécialisée dans les œuvres d'auteurs et d'autrices de la Caraïbe et des régions d'Outre-Mer, la Librairie Calypso. Son catalogue est riche des littératures issues des territoires français d’outre-mer dispersés sur le globe, de toutes les îles et territoires bordés par la mer des Caraïbes et d’essais écrits par des auteurs et autrices afro-descendant.e.s. Agnès Cornélie, sa fondatrice, y propose une programmation avec des rencontres littéraires régulières et des expositions. On y trouve également un espace salon de thé.
Librairie Calypso - 32, rue Gassendi, Paris 14e
Librairie Calypso - 32, rue Gassendi, Paris 14e